La situation d’après guerre

La France comme l’Europe est en ruine. Toute l’économie est à relancer et le pays a faim. Des agriculteurs prisonniers, de retour d’Allemagne, y ont vu des fermes propres et bien équipées. Ils veulent reconstruire chez eux autrement.

En effet, l’agriculture en Bretagne est très en retard. Elle est majoritairement exercée dans des structures d’exploitations traditionnelles, dans un cadre familial, basées sur la polyculture-élevage. Ces structures dégagent de faibles ressources, assurant un niveau de vie moyen aux familles d’agriculteurs.

1945

Années 50 :

Une agriculture bretonne en retard

L’agriculture des années 50 est plutôt autarcique. Les fermes bretonnes sont nombreuses et de petite taille : la superficie moyenne est inférieure à 10 ha quand la moyenne nationale est à 15 ha. Les travaux agricoles restent manuels et assurés par une main d’œuvre familiale. Les rendements sont faibles. La production sert d’abord à nourrir la famille (lait, cidre, cochons, poules, lapins, pommes de terre). Les quelques excédents sont vendus au marché pour ensuite acheter l’indispensable (savon, café, quelques outils…)

Le contraste entre la vie en campagne et la vie en ville est flagrant. Si en ville, la modernité est en marche (arrivée de la machine à laver, de la télévision…), dans les campagnes, l’agriculture est arriérée, les bourgs ont peu évolué. Les familles nombreuses et la pauvreté obligent à quitter les campagnes et à trouver du travail en ville. Les jeunes ruraux veulent accéder à cette modernité. C’est le début de l’exode rural.

En réponse à ce constat, les acteurs locaux affichent une volonté claire : développer une agriculture forte pour répondre aux besoins alimentaires.

1950

Années 60 :

Révolution culturelle et technique

Tous les intérêts convergent pour créer les conditions du changement : aussi bien au niveau des politiques que des agriculteurs.

Cela démarre avec le traité de Rome en 1957 qui voit se constituer la CEE (Communauté Economique Européenne). En 1960 et 1962, les lois d’orientation agricole sont le socle de la restructuration de l’agriculture. La première PAC (Politique Agricole Commune) naît en 1962. Et en 1964, Edgard Pisani (Ministre de l’Agriculture) déclare qu’il veut faire de la Bretagne une région agricole et industrielle.

Parallèlement à cette volonté politique forte, les jeunes agriculteurs sous l’impulsion de la JAC (Jeunesse Agricole Catholique) se mobilisent. En Bretagne, l’influence du CELIB (Centre d’Etude et de Liaison des Intérêts Bretons) apporte un élan supplémentaire. Avec l’arrivée des machines (tracteurs, moissonneuse-batteuse, ensileuse à maïs, trayeuse…), on assiste à une révolution culturelle et technique de l’agriculture. C’est également la révolution fourragère : le maïs détrône la betterave et le chou. La sélection génétique s’impose dans la recherche de productivité. La chimie agricole se développe avec l’arrivée des engrais et des pesticides. La production dans le secteur animal croit de manière spectaculaire : les animaux ne sont plus vendus sur les marchés locaux mais emmenés vers les abattoirs pour être transformés et commercialisés.

1960

Années 70 :

Le défi du développement agricole relevé

L’objectif « Produire plus pour nourrir les Hommes » est atteint. Les orientations prises dans les années 60 et la mobilisation des agriculteurs ont permis le développement d’une véritable économie agricole et agroalimentaire à l’Ouest de la France.

A partir de 1970, l’activité agricole bretonne s’accélère pour devenir une terre d’élevage et bientôt la 1ère région agricole française. Le tournant agricole est porteur de développement économique et d’emplois :

  •  En 1960, un paysan nourrissait 7 personnes. En 1980, il en nourrit 40.
  •  Entre 62 et 75, l’emploi en agroalimentaire augmente de 43%.
1970

Années 80 et 90 :

Premiers doutes et réglementation

A la fin des années 70, les premiers doutes apparaissent sur la pertinence du système, notamment en termes d’impact écologique et environnemental. L’agriculture est pour la première fois remise en cause.

De nouvelles réglementationssont mises en place pour encadrer les activités agricoles :

  • En 1976, une 1ère législation sur les installations classées encadre le fonctionnement des élevages.
  • En 1991 : c’est la 1ère Directive « Nitrates » (Européenne).
  • En 1993, paraît le Code de Bonnes Pratiques Agricoles.
  • En 1992, arrivent les Mesures Agro-Environnementales et en 1994, la définition des zones vulnérables.

A la fin des années 90, on observe un repeuplement des campagnes.

Les élevages restent familiaux mais le conjoint ne travaille plus systématiquement dans l’exploitation. L’activité de production se diversifie et « plusieurs agricultures » voient le jour (agriculture raisonnée, biologique, vente à la ferme…).

Les crises sanitaires comme la vache folle en 1996, suscitent la suspicion de la société quant à la sécurité sanitaire des produits et apparaissent comme des crises de confiance, et non plus des crises d’approvisionnement comme au sortir de la guerre.

Années 2000 :

Adaptation et démarche de progrès

Depuis, les règlementations ont constamment évolué. Les contestations environnementales sur fond d’algues vertes entrainent par ailleurs de nouvelles obligations dans les bassins concernés. Les agriculteurs s’adaptent et entrent dans une démarche de progrès pour améliorer leurs performances et s’adapter aux demandes des consommateurs. De nouveaux enjeux sont à concilier : qualité des produits, sécurité alimentaire, bientraitance animale, respect de l’environnement, attractivité des métiers, rémunération… Les défis ne manquent pas et fragilisent certains élevages. On observe une diminution du nombre d’élevages mais une augmentation de la taille des exploitations. Les plus petits disparaissent au profit des plus grands élevages, en capacité de mieux s’adapter aux nouvelles normes.

Parallèlement, les marchés se jouent sur l’échiquier mondial, avec une volatilité croissante du prix des matières premières et une concurrence exacerbée qui met à rude épreuve la compétitivité de l’agriculture française et donc bretonne. La question du changement climatique et de l’épuisement des ressources en énergie fossile sur fond d’accroissement de la population mondiale devient majeure. Le besoin de nourriture pour les pays en développement est également réel.  Assurer la satisfaction des besoins alimentaires du monde devient donc une réalité.

2000

Années 2010-2020 :

Pression sociale forte et modernisation

La Bretagne nourrit 1 français sur 3 et représente 60 % de la production nationale. Plus de 60 % de son territoire est dédié à l’agriculture. Elle est la première région agroalimentaire européenne. Pourtant, plusieurs menaces pèsent sur la filière porcine bretonne :

  • Les distorsions de concurrence à l’échelle européenne (dumping social, dumping fiscal, utilisation des graisses/ farines animales et des OGM…)
  • La montée en puissance du militantisme animaliste et environnementaliste ainsi que de l’antispécisme.
  • L’émergence d’un marché des protéines végétales.
  • La baisse de la consommation individuelle de viande : 1 Français sur 5 serait « flexitarien » et 40 % d’entre eux aimeraient augmenter leur consommation de végétaux.

Face aux critiques et mouvements de protestation, les démarches de progrès de l’élevage se renforcent. Côté bientraitance animale, on assiste à de multiples évolutions (Mise en groupe des truies, encadrement de la castration des porcelets, formation au transport d’animaux…). L’élevage breton se dote des meilleurs outils technologiques et numériques pour améliorer ses performances économiques et environnementales, faciliter les conditions de travail des éleveurs, rendre la profession plus attractive et répondre aux attentes sociétales. Les élevages sont à la pointe de la technologie. Les éleveurs investissent pour relever le défi de la transition énergétique (panneaux photovoltaïques, méthaniseurs…).

Le nombre d’élevages continue de diminuer et la production de marchés de niches comme l’agriculture biologique, se développe. La consommation individuelle de viande de porc diminue, le marché des protéines végétales s’accroit et la protéine de synthèse fait son apparition sur la scène médiatique. En 2019, 50% des agriculteurs bretons ont plus de 55 ans, le renouvellement des générations devient un enjeu majeur.

2010

Source de la situation d’après-guerre jusqu’aux années 80-90 : Ecomusée de Rennes